Dans le cadre du cycle annuel « Écologies : quelles histoires? », les Archives contestataires proposent tout au long du mois d’avril des matériaux pour contribuer à inscrire les mouvements écologistes dans l’histoire des luttes sociales. Cet article revient sur la catastrophe de Seveso, survenue en juillet 1976 dans le nord de l'Italie, à travers deux brochures publiées par des groupes genevois : Seveso est partout du Groupe Seveso du MLF Genève parue fin 76, et ICMESA Seveso Givaudan le Lignon publiée dans le courant de l'année 1977 par le Comité Seveso. Elles soulignent la diversité des regards sur l'écologie dans les milieux de gauche de cette époque.
Cette chronologie est reprise de la brochure Seveso est partout du Groupe de travail SEVESO du MLF. Elle est réutilisée dans la brochure du Comité Seveso Genève et réapparait dans plusieurs textes traitant de la catastrophe.
Le 10 juillet 1976, un accident1 a lieu à Meda, localité à 20 km de Milan, dans l'usine ICMESA (Industrie Chimiche Meridionali Società Azionaria), filiale de l'entreprise genevoise Givaudan, installée dans le canton de Genève depuis 1899, elle-même filiale d'Hoffmann-La Roche (aujourd'hui Roche, basée à Bâle). Une explosion dans le réacteur de trichlorophénol fait sauter la valve de sécurité et un nuage toxique contenant notamment de la dioxine se répand sur les localités environnantes : Seveso (la commune la plus contaminée à cause de la direction des vents, qui donnera son nom à la catastrophe), Cesano Maderno et Desio, contaminant 1810 hectares de terres dans la plaine de la Brianza. Spécialisée dans la fabrication « de produits chimiques intermédiaires principalement destinés à l'industrie des parfums et des arômes alimentaires, de la cosmétique et des produits pharmaceutiques »2, mais également utilisés comme « base chimique de défoliants [et] désherbants », ICMESA produit « du trichlorophénol (tcf) enrichi (non dépuré) de tetrachlorodibenzodioxine (tcdd) », plus connu sous le nom de dioxine, dont la production ici dépasse largement les quantités autorisées (« trois kilos de dioxine par semaine à la place de 300 gr. normaux »).
Au moment de l'accident, la température à l'intérieur du réacteur a considérablement augmenté, ce qui a accéléré la production de dioxine. Selon un rapport du professeur D.F. Lee, cité par le Groupe Seveso du MLF : « 130 kg de dioxine ont pu être produits par le réacteur et la majeure partie est sortie à l'extérieur ». La haute toxicité de cette molécule chimique, identifiée depuis 1959, est connue notamment depuis son utilisation massive par l'armée américaine au Vietnam (les fameux épandages d'« agent orange »).
Alors que l'usine reste ouverte pendant plusieurs jours et que les techniciens tentent d'éviter l'intervention des autorités, les premiers effets de la fuite de dioxine se font sentir immédiatement après la catastrophe : des plantes sèchent « dans un rayon de plusieurs kilomètres », des dizaine de milliers d'animaux meurent ou doivent être abattus et des enfants qui « présentent des symptômes d'urticaire » sont hospitalisés. Le 16 juillet, les ouvriers de l'ICMESA se mettent en grève. Deux jours plus tard, grâce à la pression des travailleurs, l'État ordonne la fermeture de l'usine et la mise sous contrôle du site. Le 20 juillet, le laboratoire zurichois de Givaudan identifie la substance toxique : de la dioxine. S'en suivent une série de communication de la part des dirigeants des entreprises responsables de la catastrophe, notamment Guy Waldvogel (directeur général de Givaudan) et Adolf Jann (PDG d'Hoffmann-La Roche), qui nient la responsabilité des entreprises et minimisent les faits. Le 24 juillet, Maria Galli, habitante de Seveso de trente-cinq ans, décède subitement. Le 29 juillet, un « commando prolétaire » attaque à la bombe le siège d'Hoffmann-La Roche à Rome : « à Seveso comme au Vietnam, les assassins sont les mêmes ».3 Dans la foulée, les ouvriers d'ICMESA créent un « comité de contrôle populaire sur la contamination ».
Fin juillet, un quadrillage du territoire en trois zones est établi, déterminant les degrés de contamination. Sur cette base débute l'évacuation des personnes vivant sur les zones les plus touchées, notamment d'un millier d'enfants. Nombre d'entre-elles sont hospitalisées. Des mesures sanitaires sont prononcées : bain journalier, interdiction de se déplacer sur plus de 30 km en voiture, pas de procréation. Le contrôle sanitaire, se traduisant par des visites médicales obligatoires, touche plus de 5'000 personnes. Début août, les autorités, prenant la mesure des dégâts causés sur la santé des femmes enceintes et des enfants à venir, installent un dispensaire (« consultorio ») à Seveso et autorisent l'avortement thérapeutique pour les femmes vivant dans la zone contaminée. L'État suspend aussi les impôts de 1976 et 1977 pour les travailleurs dans la zone et prend en charge 80% du salaire des personnes sans travail, pendant un an. Début septembre, le nombre d'entreprises agricoles touchées est révélé : ce sont 50 entreprises qui ne pourront plus produire pendant au moins deux ans et 108 artisans qui doivent cesser leurs activités jusqu'à la décontamination totale.
Différentes tentatives d'assainissement de la zones sont lancées : Givaudan mène des expériences de décontamination qui se soldent par un échec à cause du « manque de soleil », la région lombarde lance un concours international, infructueux. La dioxine continue de pénétrer de plus en plus profondément dans les terrains de la zone touchée. Selon Waldvogel, un « incinérateur spécial » est requis pour « détruire cette végétation en la brûlant à plus de 800 degrés ». Pendant cette période, plusieurs personnes sont arrêtées : Herwig von Zwehl (directeur général d'ICMESA), Paolo Paoletti (chef de la production, qui sera assassiné par Prima Linea en février 1980), Giovanni Radice (le directeur technique d'ICMESA), Giuseppe Ghetti (inspecteur sanitaire) et Fabrizio Malgradi (maire de Meda). Du côté suisse, Jörg Sambeth (directeur technique de tous les établissements Givaudan) est inculpé de « catastrophe par négligence et d'omission volontaire dans l'installation des appareils de sécurité », au même titre que Guy Waldvogel (directeur général de Givaudan). Une convocation est envoyée à Fritz Möri (responsable chez Givaudan de la construction du réacteur). Ces derniers ne se présentent pas au juge d'instruction de Monza. Adolf Jann, PDG d'Hoffmann-La Roche, ne sera jamais inquiété.
Les citations de cette partie proviennent, sauf mentionné, de la brochure Seveso est partout du Groupe de travail Seveso du MLF Genève.4
La question de la santé des femmes est importante au sein des mouvements féministes d'après-68. À Genève comme ailleurs, la réappropriation par les femmes des savoirs sur leurs corps participe de leur projet d'émancipation. Les militantes du MLF genevois sont familières avec le self-help, un « ensemble de pratiques visant à donner aux femmes une autonomie vis-à-vis du pouvoir médical », importé des États-Unis et diffusé à Genève dès le début des années 1970. Plus largement, les féministes genevoises contestent le pouvoir médical, associé au système patriarcal et « omniprésent dans la vie des femmes, particip[ant] au premier chef de la dépossession de leur corps »5. Cette contestation est prolongée d'un fort engagement anti-capitaliste qui implique une critique des institutions de la santé6 et des entreprises pharmaceutiques. C'est dans ce contexte qu'est rédigée la brochure {Seveso est partout} par le Groupe de travail Seveso du MLF Genève. Elle présente la catastrophe dans ses dimensions sociales, économiques, sanitaires et environnementales et défend l'idée que ce désastre concerne spécifiquement les femmes. Les différentes dimensions abordées sont présentées ci-dessous.
Ils sont les premiers à présenter, tout de suite après la catastrophe, des symptômes de chloracné. Les mères sont directement touchées : « pas besoin de dire à des femmes ce que signifie un ou des enfants malades en terme de souci et de surcroît de travail (visite médicales pour l'enfant, soins à donner, visites à l'hôpital, etc...) » ; contrôle sanitaire qui durera « au moins cinq ans ».
Si l'espace domestique est le premier touché par les mesures édictées par l'État suite à la catastrophe, se sont les femmes qui en font les frais. Potagers et animaux de la basse-cour contaminés, toute la consommation du foyer est chamboulée. Le problème de l'eau est majeur, car la fin de l'été 1976 connait de longs épisodes de pluie et la dioxine s'enfonce dans le terrain : « comment se laver, laver la vaisselle, les légumes ? Comment faire le ménage à Seveso ? » Petit à petit, les familles sont relogées « temporairement » ; elles ne réaliseront que plus tard que certaines ne réintègrerons jamais leurs maisons.7 Environ 730 personnes sont déplacées dans des motels de la région, avec une seule pièce pour toute la famille ; situation qui pèse en premier lieu sur les femmes, responsable dans la majeure partie des cas de l'organisation du foyer.
Dès la fin du mois de juillet, les « risques de malformations pour les enfants qui sont encore dans le ventre de leurs mères » sont pointés. Une recommandation de ne pas procréer est énoncée, et la question de l'avortement « est mise sur le tapis ». En effet, en 1976, l'avortement n'est pas encore légal en Italie (il le sera en 1978). Un dispensaire est installé à Seveso et une commission d'experts voit le jour, dirigée par Giulio Andreotti, alors Président du conseil des ministres italien, afin d'autoriser des avortements thérapeutiques aux femmes des zones les plus touchées. Dans cette commission siègent des médecins « réactionnaires » dont le rôle est dénoncé par les femmes du MLF, les accusant de dissuader les femmes en leur indiquant « en termes très techniques (...) la voie aride et tortueuse » à prendre pour interrompre leur grossesse. Le processus est long et laborieux : les femmes sont soumises à toute une série d'examens : visites à des conseillères, puis aux deux gynécologues et enfin au psychiatre, puis entrée à l'hôpital de à Milan, loin de chez elles. Le rôle du psychiatre est crucial dans l'obtention du certificat de « troubles mentaux » nécessaire à l'avortement thérapeutique. La brochure présente également la difficulté pour ces femmes de prendre la décision d'avorter d'enfants a priori désirés, dans un pays où le poids de l'Église catholique pèse encore largement sur les mentalités. L'Église, et notamment Monseigneur Colombo, archevêque de Milan, va s'activer pour décourager les femmes d'avorter en cherchant des couples « disposés à accueillir un enfant mal formé » et en visitant directement les motels accueillant les 1'500 personnes déplacées.
Même si aucun décès n'a été reconnu par les autorités italiennes comme conséquence directe de la catastrophe, les militantes du MLF ébauchent un travail de reconnaissance en nommant deux victimes – des femmes – qui décèdent les premières des suites de la catastrophe. Le 24 juillet 1976, Maria Galli, une employée de maison de trente-cinq ans qui effectue chaque jour à pied le trajet Seveso-Côme, passant ainsi juste à côté de l'usine, en plein coeur de la zone la plus touchée, meurt des suites de complications respiratoires. Le 7 septembre 1976, Maria Chinni décède des suites d'un avortement qu'elle tente de faire seule chez elle. Elle habite Desio où elle élève ses deux enfants et s'occupe de son mari malade. Elle est enceinte de plusieurs mois au moment de l'explosion du réacteur.
À quoi sont utilisés les produits chimiques d'ICMESA ? Les femmes du MLF y dédient un chapitre entier de la brochure. Car le TCF est autant utilisé à la production de défoliants comme ceux utilisés au Vietnam qu'à la production de produits d'hygiène et de première nécessité (tampons, savons, shampoings, désinfectants buccaux, déodorants, talc pour bébé) et qu'à la production de parfums pour « exorciser les odeurs corporelles ». Les femmes sont les consommatrices visées de ces produits cosmétiques, élaborés pour les « embellir », ou encore, selon une citation tirée d'un livre édité par la maison Givaudan à l'occasion de son cinquantième anniversaire, « de conserver ce qui constitue de tout temps, pour tous les goûts, toutes les modes, toutes les races et sous tous les climats, l'essentiel du charme féminin : la fraicheur, la jeunesse ou l'apparence de la jeunesse de la peau... ».
Les citations de cette partie proviennent, sauf mentionné, de la brochure ICMESA SEVESO GIVAUDAN LE LIGNON du Comité Seveso Genève.8
C'est sans doute sur le modèle des organisations de base italiennes, tel que le Comité technique scientifique populaire (CTSP), créé à Seveso juste après la catastrophe « à l’initiative d’un groupe d’intellectuels et de scientifiques » (dont Giulio A. Maccacaro, médecin et biologiste italien fondateurs du mouvement Medicina Democratica qui soutient l'auto-organisation de travailleurs de l'industrie dans l'étude des maladies industrielles)9, qu'est créé le Comité Seveso Genève. Ce type de comité a pour objectif à la fois de nommer les responsabilités des autorités et des entreprises dans la mauvaise gestion de la crise, mais également de produire ou de diffuser des contre-expertises visant à dénoncer « le système de production capitaliste » comme étant la cause de ces catastrophes environnementales, sanitaires et sociales.
La brochure ICMESA SEVESO GIVAUDAN LE LIGNON, publiée début 1977, est un exemple de ce travail de contre-expertise et de contre-information : présentation des substances chimiques produites à l'ICMESA ; dénonciation de l'usage de celle-ci au Vietnam ; responsabilités des entreprises ; critique du développement urbain. Le quatrième de couverture de la brochure est pensé comme « un tract d'appel du Comité à une assemblée au Lignon ».
Le Comité Seveso propose donc une analyse de classe de la catastrophe, en dénonçant une production « [ayant] comme fins l'accumulation de profits et non la vie, la production de capital et non celle de biens pour satisfaire des besoins sociaux », afin de contrer l'idée d'un accident « inéluctable » et qui relèverait « d'éléments naturels ». En se basant sur le travail du CTSP, le Comité Seveso dénonce une primauté de l'accumulation de profits sur l'étude des dangers causés par la production du TCF. Car selon le Comité Seveso, les dégâts causés par la production de l'usine en termes sanitaire et écologique sont connus depuis la fin des années 1950. En effet, une « enquête » de 1957 « fait ressortir que les déchets de l'usine empoisonnent les eaux du torrent Certosa situé près de Seveso ». Le rachat de l'usine par Givaudan en 1969 réoriente la production vers de nouveaux produits, encore plus polluants et surtout mal connus des autorités en charge du contrôle sanitaire. Par ailleurs, de nombreuses procédures juridiques accusant l'ICMESA de pollution lui ont été adressées mais n'ont jamais abouties ; la fuite du 10 juillet serait donc « la dernière d'une longue série ».
Il s'agit aussi de porter un discours anti-impérialiste sur l'affaire, en évoquant l'utilisation de la dioxine comme arme chimique au Vietnam, en pointant la responsabilité des entreprises suisses dans la production de ce produit, et en se basant sur « l'expérience vietnamienne » pour juger de ses effets sur la santé et l'environnement : « la solidarité internationale élémentaire exige de montrer, en rapport avec la pollution de Seveso, ce qu'a entrainé l'usage massif d'herbicides contenant de la dioxine au Sud-Vietnam ».
À Genève, les usines de Givaudan se trouvent sur la commune de Vernier, non loin du quartier du Lignon et de ses ensembles d'habitation qui logent plusieurs milliers de personnes. Il y existe une Association des locataires du Lignon qui est, en 1976, sur le point de rejoindre des mouvements de locataires environnants qui ont entamé une grève des loyers (qui a eu lieu pendant plusieurs mois entre 1975 et 1977 dans les quartiers des Avanchets, d'Onex et du Lignon). On peut donc l'imaginer dans une période assez active de son existence. À Genève, des organisations marxistes-léninistes telle que le Centre de liaison politique (CLP) thématisent les questions urbaines et soutiennent ponctuellement les groupes de quartier via un appui technique (comme le travail d'expertise menés par des enseignants de l'École d'architecture), matériel (impression de brochures), ou organisationnel10. Le Comité Seveso, appelé aussi Groupe Lignon-Seveso (suite au dépôt d'une pétition et d'une lettre ouverte à la Commune de Vernier) émerge probablement de ce type d'initiative militante visant à rassembler habitant·e·s et travailleur·euses. Un tract de 1977 présente les perspectives du groupe :
- Poursuivre l'information sur les dangers de la production chimique à Vernier et ailleurs..., et sur l'évolution de la situation à Seveso. - Élargir notre intervention à d'autres problèmes d'ENVIRONNEMENT. - Rapprochement avec les groupes de quartier anti-nucléaires._
« [O]n a souvent l'impression que pour certains écologistes, la “qualité de la vie“ se résume à un problème d'espaces verts, de pureté de l'air, etc. Or nous savons bien que la “qualité de la vie“ dépend avant tout de conditions sociales, des rapports qu'on a avec les gens, du type de travail qu'on fait, des choix qu'on peut faire ou pas sur notre vie, etc. Alors il faudrait plutôt voir la lutte anti-pollution, anti-centrales nucléaires etc comme une partie de la lutte pour changer les rapports sociaux, pour commencer à contrôler, à maitriser notre vie... »11
Cette catastrophe a participé à la prise de conscience écologiste à large échelle de la fin des années 1970. En Suisse, un autre événement fait date : l'accident nucléaire de Lucens (VD) en 1969, où une panne a lieu lors de la mise en route du réacteur, ce qui provoque la fusion de ce dernier et met fin, pour reprendre les termes utilisés par les médias, au « rêve » d'un nucléaire 100% suisse. Les catastrophes provoquent des prises de consciences, du moins temporaires, mais, si Seveso a déterminé une réglementation européenne sur les risques industriels à laquelle elle donne son nom, ces règles de sécurité ne parviennent pas à s’imposer à l’échelle mondiale. Combien de Seveso dans les pays des Suds se sont-ils encore produits après la catastrophe italienne ?
Il est intéressant de constater que, dans le cas de cette catastrophe industrielle, deux secteurs de la Nouvelle gauche aux positions antagonistes (féministes autonomes d’une part et marxistes-léninistes d’autre part) se saisissent de la question écologiste. Cette double politisation de l’événement montre que la question écologique n’est pas encore une question politique spécialisée. Ce n’est que trois ans plus tard, en 1979, que le premier conseiller national Vert (Daniel Brélaz) est élu, tandis que le premier regroupement national de partis écologistes cantonaux a lieu en 1983.
Les Archives contestataires conservent des ensembles documentaires en lien avec la catastrophe de Seveso dans les fonds Daniel Marco, Ariel Herbez et du MLF genevois. Ces fonds peuvent être consultés sur place les jeudis et vendredis en prenant rendez-vous par e-mail à l'adresse infos@archivescontestataires.ch.
Dans le contexte des catastrophes industrielles, l'utilisation du terme « accident » est discutable car il implique une imprévisibilité qui est souvent, et dans le cas de Seveso tout particulièrement, contestée. Dans son documentaire Gambit, la réalisatrice suisse Sabine Gisiger donne la parole à Jörg Sambeth, directeur technique chez Givaudan à Vernier au moment de la catastrophe. Ce dernier, engagé en 1970, visite l'usine ICMESA et dénonce la vetusteté des installations. Il propose différentes mesures de sécurisation, dont un budget de rénovation de 12 million de francs, qui ne seront jamais réalisées. Il est le premier à avoir fait remonter des échantillons au laboratoire zurichois de la firme, le lendemain de la catastrophe. Voir également l'article « Seveso : après le nuage de dioxine le 10 juillet 1976, les fumées restent opaques » de René Hamm, publié sur le site Rebellyon en juillet 2021 et le livre autobiographique de Jörg Sambeth, Zwischenfall in Seveso, Zurich : Unionsverlag, 2004. En outre, en 1972 et 1975, le Comité régional contre l'empoisonnement de l'atmosphère de la Lombardie avait produit deux rapports sur les nuisances toxiques émises par ICMESA, rapports alors ignorés par les autorités. ↩
Hill and Knowlton International, Seveso : dossier d'information, 1983. ↩
« Chronique d'un été », Tout va bien, n°31, Genève : Tout va bien, octobre 1976. ↩
Groupe de travail SEVESO, Seveso est partout, Carouge : MLF, 1976. ↩
De Dardel, Julie, Révolution sexuelle et mouvement de libération des femmes à Genève (1970-1977), Lausanne : Antipodes, 2007. ↩
Voir par exemple la brochure rédigée par des « usagères de la Maternité » : Accoucher à la maternité : ce que nous refusons, ce que nous voulons, Genève : Centre femmes, 1977 ; ou encore Personne ne décidera pour nous : Nos luttes sur l'avortement, auto-examen, attaque contre les gynécos, Genève : Des femmes du Centre Femmes, 1977. ↩
Selon Laura Centemeri, 200 personnes ne réintégrèrent jamais leur foyer. Centemeri, Laura, « Retour à Seveso. La complexité morale et politique du dommage à l'environnement », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 66, no. 1, 2011. ↩
Comité Seveso, ICMESA Seveso Givaudan le Lignon, Genève : Comité Seveso, [1977]. ↩
Laura Cementari, op. cit. ↩
Sur ces dynamiques de soutien au sein des luttes de quartier à Genève, voir le Mémoire de Master de Pierre Collart, « Luttes urbaines à Genève : modes d'action et degré de politisation des groupes d'habitants à Plainpalais (1970-1978) », Université de Genève, 2021. Archives contestataires, bibliothèque, Broch 1132. ↩
Quelques réflexions pour ne pas tomber dans le panneau d'un certain écologisme..., fonds du Mouvement de libération des femmes Genève, Archives contestataires, MLF-GE-S2-D27. ↩