Dans le cadre des Journées d’actions antiracistes organisées par l'Alliance Justice4Nzoy du 10 au 23 mars 2025, nous proposons une soirée autour des pratiques passées et présentes de la contre-expertise militante, pratique qui marque les mouvements sociaux de la seconde moitié du XXe siècle. Nous reviendrons sur les histoires de Patrick Moll et d'Alain Urban qui marquent les mouvements militants romands dans les années 1970.

Cette soirée reviendra sur les histoires de Patrick Moll et d'Alain Urban. Le premier est mort sous les balles de la police municipale d'Yverdon en 1974 et le second est décédé à cause du traitement qui lui avait été infligé à l'hôpital psychiatrique de Bel-Air en 1980.

Ces deux décès conduisent à des mobilisations importantes qui articulent le recours à la contre-expertise et le travail militant. Avec les voix d'un témoin, d'historiennes et d'un représentant de Border Forensic, l'organisation qui mène la contre-expertise dans le dossier de la mort de Roger Nzoy Wilhelm, nous ferons dialoguer pratiques du passé et du présent.

Avec la participation de Géraldine Beck, Alix Heiniger, Alain Riesen et un-e représentant-e de Border Forensic.

Samedi 22 mars 2025 à 19h. Maison internationale des associations, 18 rue des Savoises, 1205 Genève. Salle Rachel Carson.

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Présentation

Roger Nzoy Wilhelm a été abattu par un policier, le 30 août 2021, sur le quai de la gare de Morges. Rapidement, un comité de soutien à la famille du jeune homme (alliance Justice4Nzoy) s’est constitué, puis, en mai 2023, une commission indépendante d’experts a été mise sur pied « pour faire la lumière sur les circonstances de sa mort ». Du 10 au 23 mars 2025, le comité Justice4Nzoy organise des Journées d’actions antiracistes avec l’objectif de faire connaître le dossier spécifique et de mener une réflexion plus large sur la violence policière raciste. Dans ce contexte, notre association souhaite apporter une contribution à ces Journées par une réflexion sur la pratique de la contre-expertise militante.

Cette pratique s’établit dès le début du XXe siècle au sein du mouvement ouvrier autour des accidents du travail. L’objectif de ces contre-expertises est triple : dévoiler la vérité sur un cas spécifique ; relever les omissions et les biais des enquêtes officielles ; apporter des éléments dépassant le cas particulier pour modifier des conditions de travail ou participer à la dénonciation de l’exploitation de la classe ouvrière. Cette pratique repose sur une ambivalence : elle doit à la fois mettre en évidence ce que les experts officiels refusent de voir et se fonder sur des connaissances admises par ces mêmes experts, faute de quoi elle risque d’être marginalisée en tant que pure dénonciation, que parole strictement militante.

Dans les années 1970, la contre-expertise militante prend un essor nouveau que documentent les travaux de Philippe Artières et Sabine Rousseau (Rousseau 2017, Artières 2023). En France, la catastrophe minière de Fouquières-lès-Lens (1970) marque un tournant dans la pratique. Les contre-enquêtes sur la catastrophe, menées par des médecins hospitaliers et des ingénieurs de l’École des Mines aboutissent à un « tribunal populaire » qui juge la catastrophe à partir de savoirs experts et s’appuient sur ce jugement pour dénoncer la condition ouvrière. Comme le montre Artières, ce « tribunal populaire » débouche sur la création de comités Vérité et Justice dont l’objectif est souvent d’assurer le suivi et la médiatisation de violences policières.

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En Suisse, également, il existe des cas bien connus. Ainsi, la mort d’Alain Urban, le 29 juin 1980 à la clinique psychiatrique de Bel-Air (Genève) a-t-elle fait l’objet d’une intense bataille d’experts et de contre-experts. Il s’agissait à la fois de faire reconnaître la responsabilité du directeur de la clinique et l’erreur médicale commise dans l’administration du traitement qui devait coûter la vie au jeune militant de l'Association de défense des usagers de la psychiatrie (ADUPSY). Cette controverse devait permettre à l’ADUPSY de porter très largement ses revendications et de faire entendre la voix des patients (Ferreira, Maugué, Maulini 2020).

Six ans plus tôt, Patrick Moll, un apprenti, détenu au pénitencier de Bochuz, était abattu par des policiers d’Yverdon-les-Bains, alors qu’il s’était évadé quelques heures auparavant. Le tir mortel sur un jeune homme désarmé et que les policiers n’avaient pas formellement identifié suscite une vive émotion et la constitution d’un Comité Patrick Moll qui cherche à établir les circonstances exactes du décès.

Cette présentation-débat reviendra sur ces cas pour les faire dialoguer avec les pratiques actuelles. Que peut-on attendre des contre-expertises militantes ? Comment cette pratique évolue-t-elle dans le temps ? Dans quelle mesure permet-elle d’introduire un contrôle démocratique dans des secteurs de la société qui lui opposent leur esprit de corps ?

Nous chercherons à évoquer ces différentes questions le samedi 22 mars 2025 à 19h à la Maison des associations, salle Rachel Carson.

Références

  • Artières, Philippe. 2023. « Des tribunaux populaires au comités Vérité et Justice ». In Ripostes ! Archives de luttes et d’actions 1970-1974, 134‑37. Paris : CNRS éditions.
  • Artières, Philippe, Éric de Chassey, Bernard Leroy, et Michelle Zancarini-Fournel. 2023. La mine en procès : Fouquières-lès-Lens, 1970. Paris : Anamosa.
  • Ferreira, Cristina, Ludovic Maugué, et Sandrine Maulini. 2020. L’Homme-Bus : Une histoire des controverses psychiatriques (1960-1980). Chêne-Bourg : Georg Editeur.
  • Rousseau, Sabine. 2017. « La justice contre l’injustice. Henri Burin des Roziers à Annecy dans les années 1970 ». Histoire, monde et cultures religieuses 42 (2) : 127‑37.

Illustrations

  • [Action lors du procès des policiers ayant tiré sur Patrick Moll au Tribunal d'arrondissement d'Yverdon], tirage photographique, Archives contestataires, Fonds Michel Glardon, série 1.
  • «Tissot = inculpation», affiche 30x42cm, [Genève, 1980], Archives contestataires, aff 126.
  • Collectif du chant continu, Comité Patrick Moll, «Patrick Moll assassiné par les flics», affiche 50x70cm, [Genève], 1974, Archives contestataires, aff 654.

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