Dimanche 28 novembre 2021, le corps électoral genevois était appelé à se prononcer sur l'extension des horaires d'ouverture des magasins. Nous conservons plusieurs dossiers relatifs à des mouvements de travailleuses et travailleurs des grands magasins, portant souvent sur l'extension des horaires d'ouverture et l'intensification du travail. On trouvera ci-dessous un tour d'horizon de ressources archivées.

Le Mouvement du 17 mai et l'Assemblée des travailleurs des grands magasins

Le Mouvement du 17 mai est créé à la suite de la manifestation étudiante du 17 mai 1968 contre les Journées militaire de Genève. Selon un document programmatique du 10 juin 1968, le Mouvement du 17 mai «est un mouvement de lutte contre l'exploitation de tous les travailleurs. Il s'est créé spontanément, réunissant des travailleurs et des étudiants qui dénoncent les formes actuelles d'une société où le pouvoir est entre les mains d'une minorité [...]» Le groupe est structuré autour d'entreprises ou de secteurs d'activités dans lesquels les membres du Mouvement espèrent construire des liens avec les travailleuses et travailleurs ou renforcer les liens existants. On peut citer par exemple les Ateliers des Charmilles, l'entreprise Tarex et les grands magasins.

Dès l'été 1968, des tracts sont signés par «les travailleurs des grands magasins du Mouvement du 17 mai». Les premiers tracts (voir ci-dessous) annoncent la tenue d'une assemblée des travailleuses et travailleurs des grands magasins dans le contexte de l'autorisation donnée par le Conseil d'État (exécutif cantonal) d'ouvrir les magasins deux soirs durant la période des fêtes de fin d'année.

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Début octobre 1968, l'«Assemblée des travailleurs des Grands Magasin du Mouvement du 17 mai» fait circuler une pétition et, surtout, organise un vote parmi les travailleuses et travailleurs du secteur. L'assemblée constate en effet que «les travailleurs qui ne sont jamais consultés ont été mis une fois de plus devant le fait accompli».

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Le vote fait assez de bruit pour que la direction d'un grand magasin adresse une lettre à ses employés pour contrer l'argumentation du Mouvement du 17 mai.

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Tout va bien: Les chaînes des grands magasins

Tout va bien, mensuel suisse de contre-information et de luttes consacre quant à lui son deuxième numéro (n°2 1972-1973) aux grands magasins et à leurs employé.es. Sans doute réalisé dans le sillage des contacts développés pendant le mouvement étudiant, trois ans auparavant, ce dossier est très complet s'agissant de la description des conditions de travail des salarié.es des grands magasin. Il souligne également l'intérêt politique de la forme du grand magasin qui est vu à la fois comme le lieu de concentration d'un personnel précarisé et comme le symbole de la société marchande. On peut ainsi lire dans l'éditorial: «Il faut replacer le travail des vendeuses dans son contexte général. La société qui surveille, organise, développe ce travail est dite de consommation. Nous sommes tous en situation de consommation obligatoire. Nous n'échappons pas, ou jamais tout à fait, au contrat social qui commande le système des objets produits, échangés, reproduits par l'échange.» Dans le grand magasin, l'aliénation est généralisée, des vendeuses et vendeurs aux clients et clientes.

Les voix des vendeuses sur Radio pleine lune

Parmi les premières émissions de la radio féministe Radio pleine lune figure celle du 16 décembre 1981 consacrée précisément aux vendeuses des grands magasins. Nous en présentons ici quelques extraits, l'émission complète peut être écoutée en suivant ce lien.

L'émission laisse une large place aux témoignages. Il s'agit d'abord d'entretiens avec des vendeuses anonymes qui expliquent les rapports qu'elles entretiennent avec les clients et avec l'encadrement.

Introduction de l'émission par les animatrices de Radio pleine lune

Premier extrait de l'émission, entretien avec des vendeuses de l'Uniprix.

Ensuite, on peut entendre la voix de membres d'un groupe de vendeuses syndiquées.

Comme dans le numéro de Tout va bien ci-dessus mentionné, c'est la position du grand magasin comme système de production-consommation qui retient l'attention des animatrices de Radio pleine lune dans lequel les acheteurs et acheteuses sont, en définitive, aussi aliénés que les vendeuses et les vendeurs. Dans cette perspective, l'émission se conclut sur quelques considérations sur le vol dans les grands magasins et le partage de quelques techniques.

Pour aller plus loin

Aux archives contestataires:

  • Le Groupe travail social, Carla Agnelli, Christian Brun, Isaline Dumur, Annalisa Ferrari, Jean-Pierre Gaberell, Agnès Kaempf, Günter Krichel, Catherine de Laubier, Mona Magnenat, Véronique Reiszner, Martine Rohner, Claudine Thibout, Catherine Vigny, La grande chaîne: si un maillon s'use, les mécaniciens s'est pas nous, Institut d'études sociales, 1973. Archives contestataires, Bibliothèque, Broch 301.
  • Confédération romande du travail CRT, Le groupe Maus étude syndicale de société, Bulletin CRT n° 67, avril 1984, 80p. Archives contestataires, Bibliothèque, Broch 873.

Bibliographie générale:

Les professions de la vente n'ont pas fait l'objet d'une abondante bibliographie. On peut mentionner cependant le travail de la sociologue Marlène Benquet:

  • Les Damnées de la caisse. Grève dans un hypermarché, Éditions du Croquant, 2011.
  • Encaisser! enquête en immersion dans la grande distribution, La Découverte, 2015.

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