À l'occasion du cinquantenaire de la Révolution des Œillets (25 avril 1974), nous proposons ci-dessous un choix de documents issus de nos collections. Nous présentons tout d'abord quelques reproductions de documents, puis une liste des ressources conservées est établie en fin d'article.
Dans la période qui précède le processus révolutionnaire, nos collections regroupent plutôt des documents qui stigmatisent l'impérialisme portugais. En 1973, deux groupes sont fondés, l'un à Lausanne, l'autre à Genève. L'Action Portugal et Afrique australe (APAA), constituée à Lausanne les 7 et 8 avril 1973, voit le jour dans le but de «proposer au public, au moment du Comptoir, une information sur le Portugal et les territoires d'Afrique qu'il occupe.» Les militantes et les militants anti-impérialistes savent en effet que le Portugal sera l'hôte d'honneur du Comptoir Suisse et entendent profiter de l'occasion pour dénoncer le colonialisme portugais en Afrique.
Ces circonstances sont rappelées dans le document ci-dessous, issu du fonds Giovanni Chicherio qui contient une série importante sur l'APAA.
À Genève, c'est l'assassinat du dirigeant indépendantiste de Guinée Bissau, Amilcar Cabral, le 20 janvier 1973 qui décide un groupe de militantes et de militants à fonder le Groupe de travail Afrique australe Portugal (GTAAP). Le document ci-dessous retrace la constitution du Groupe. Il est issu du fonds Jean-Jacques Fontaine et plus précisément de la série 3.
Le GTAAP poursuit son soutien aux peuples d'Afrique australe après la Révolution des Œillets comme en témoigne cette remarquable affiche commanditée par le Groupe de travail et réalisée par le Collectif Chant continu.
Le premier document de nos collections directement en lien avec la Révolution des Œillets est la brochure Os temporarios na Suíça (Les saisonniers en Suisse) qui est publiée en mai 1974. Le Grupo Autónomo da Emigraçao Portuguesa na Suíça, qui signe cette brochure, indique dans sa préface que le texte est le résultat de trois ans d'expériences de travailleurs et travailleuses saisonniers. Il semble cependant que cette brochure soit la première apparition publique du Groupe. Une situation qui s'explique sans doute par la surveillance policière dont faisait l'objet les immigrés portugais sous le régime de Salazar et dont les auteurs de la brochure témoignent.
Cette brochure est d'abord un recueil pratique pour les travailleuses et travailleurs saisonniers en Suisse. Le Grupo Autónomo da Emigraçao Portuguesa na Suíça évalue leur nombre à 5000 au printemps 1974 sur un total de 160'000 personnes résidant en Suisse avec ce statut. Les dernières pages de Os temporarios na Suíça sont consacrées aux revendications des travailleuses et travailleurs portugais en Suisse. Ces revendications portent sur le regroupement familial, la sécurité sociale et le logement, mais figurent également la demande d'un enseignement en portugais pour les enfants des travailleuses et travailleurs saisonniers ainsi que la reconnaissance de droits démocratiques fondamentaux.
En janvier-février 1976, le «mensuel suisse de contre-information et de luttes» Tout va bien consacre un premier dossier à la Révolution portugaise. Nous sommes alors à la veille de l'adoption de la Constitution portugaise et de la première élection présidentielle démocratique le 2 avril 1976. Le dossier contient deux longs articles. Le premier, signé des initiales GL (la plupart des articles de Tout va bien sont anonymes à cette époque) consiste en un point de situation sur le processus révolutionnaire et donne surtout à son auteur l'occasion d'une réflexion sur générale sur les révolutions. Commentant les appels de Mario Soares et Melo Antunes à «geler le processus révolutionnaire» par crainte d'un coup d'État de droite (octobre 1975), GL écrit: «renvoyer au lendemain un socialisme qu'on exige le jour même est une attitude qu'on retrouve en permanence dans l'histoire. [...] Le même problème se pose aujourd'hui au Portugal. Pour les dirigeants "responsables", le socialisme ne sera jamais ici et maintenant, c'est une finalité historique, une échéance indéfiniment remise qui, au nom des lendemains qui chantent, exige de plus en plus le sacrifice de la révolution immédiate et permanente.»
Le second article du dossier, signé des initiales MG, tient une position différente. Pour MG, «il ne reste pas trente-six mille solutions. [...] La société est atomisée, fracionnée, défaite, et l'antagonisme entre capital et travail n'est plus, à ce point, ni un facteur de changement, ni une motivation politique réelle.» MG envisage deux scénarios: une «restauration démocratique de la bourgeoisie [...] avec l'aide de l'Europe et des États-Unis» d'une part et d'autre part une prise de pouvoir soit par le Parti communiste, soit par ce qu'il ou elle appelle «les militaires tiers-mondistes». Selon MG, «dans chacun des cas, les "conquêtes du 25 avril" seraient sauvegardées, sauf, sans doute, celle qui paraissait être la plus chère: la liberté politique, "les libertés".»
C'est également dans le contexte pré-électoral du début 1976 qu'a lieu, le 5 mars de cette année, un événement de «soutien à la Révolution portugaise» organisé par le Comité de soutien aux luttes du peuple portugais avec la collaboration de l'Association démocratique des travailleurs portugais. Sous le titre «6 heures de solidarité avec le peuple portugais», les organisatrices et organisateurs de l'événement affirment leur soutien «aux luttes des travailleurs, aux paysans des coopératives agricoles» et demandent «la libération des militaires progressistes emprisonnés» et l'expulsion de Suisse d'Antonio de Spinola. Le tract ci-dessous est issu du fonds Jean-Jacques Fontaine.
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